Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 4, 1934.djvu/92

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de construction et de décor, (qui ne sont jamais que les fruits d’expériences assez longues et d’une certaine constance dans les goûts, les besoins, les moyens), quand l’impatience, la rapidité d’exécution, les variations brusques de la technique pressent les œuvres, et quand la condition de nouveauté est exigée depuis un siècle de toutes les productions dans tous les genres ?

Et d’où nous vient enfin cette exigence du nouveau ?.. Nous y repenserons tout à l’heure. Laissons les questions se multiplier d’elles-mêmes.

Impatience, disais-je… Adieu, travaux infiniment lents, cathédrale de trois cents ans dont la croissance interminable s’accommodait curieusement des variations et des enrichissements successifs qu’elle semblait poursuivre et comme produire dans l’altitude ! Adieu, peinture à la longue obtenue par l’accumulation de transparents travaux, de couches claires et minces dont chacune attendait la suivante pendant des semaines, sans égard au génie ! Adieu, perfections du langage, méditations littéraires, et recherches qui faisaient les ouvrages à la fois comparables à des objets précieux et à des instruments de précision !… Nous voici dans l’instant, voués aux effets de choc et de contraste, et presque contraints à ne saisir que ce qu’illumine une excitation de hasard, et qui la suggère. Nous recherchons et apprécions l’esquisse, l’ébauche, les brouillons. La notion même d’achèvement est presque effacée.

C’est que le temps est passé, où le temps ne comptait pas.