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À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

tandis que sa mémoire est toute vivante dans la plupart d’entre vous.

Toutes les chances d’erreur sur la personne, et même d’inintelligence de l’œuvre, sont avec moi. Vous sentez, du reste, combien peut m’imposer une substitution si inégale de talents et quelle audace je me trouve de m’essayer à ce portrait. Quand le devoir de composer cette oraison de louange m’est apparu avec précision, je n’ai pas laissé de le trouver bien redoutable. « Quel beau sujet ! » me disait-on. Et je pensais qu’il est des écueils admirables !

Messieurs, quoiqu’un éloge ne soit, par essence, que fait de de la fleur d’une vie, et quoique la vérité qu’il travaille n’y doive paraître que contenue et comme discrètement maîtrisée, toutefois, il s’introduit toujours et nécessairement, dans le travail de sa préparation, un sentiment assez puissant et presque solennel de justice.

Nous ne pouvons, en méditant ce que nous prononcerons ici sur celui dont nous héritons le fauteuil, que nous ne soyons assez tourmentés dans nos consciences par ce jugement particulier du mort que nous devons délibérer en nous-mêmes avant que d’en extraire et de mettre en forme ses plus belles conclusions et ses motifs les plus admirables. Nous disposons assurément de la lumière qui éclaire notre modèle : mais lui-même, comment le saisir ? Comment s’en former une idée exacte ? Et sur quoi fonderai-je une opinion équitable d’une personne que je n’ai point connue ?

Certes, ce ne sont les rapports, les avis et les témoignages qui nous manquent. Tout le monde parle à la fois. A peine expiré