Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 5, 1935.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tient, durera presque toute une année. Je n’en retracerai les épisodes ni les phases, et je ne ferai point l’histoire de votre rôle qui fut de tous les instants. Je n’en tirerai que quelques traits, — les uns, de votre esprit, car c’est ici que votre conception tout expérimentale de la guerre s’éprouve et triomphe ; les autres, de votre caractère ; et je n’oublierai point votre cœur.


Monsieur, vous avez, à Verdun assumé, ordonné, incarné cette résistance immortelle, qui, peu à peu, sous vos mains, comme par une savante et surprenante modulation, s’est renversée en réaction offensive, et changée pour l’étonnement du monde et la confusion de l’ennemi, en puissance pressante, en reprise des lieux perdus, en contre-attaque victorieuse.

Le soir du 25 février 1916, à peine désigné, vous courez aussitôt, par la neige et la nuit, prendre contact avec les états-majors de la défense. Vous dictez à minuit un ordre essentiel qui répudie la tactique purement instinctive d’une défense locale qui disputait isolément, pied à pied, chaque pouce de terrain. Vous répartissez à chaque unité sa fonction dans un plan d’ensemble. Vous savez que l’ennemi poursuit notre usure, et que l’on ne peut durer qu’en fixant toute la résistance sur une position forte par elle-même et fortement organisée. L’assaut est contenu. Mais les attaques sont si puissantes et si obstinément répétées que les unités exposées fondent en quelques jours au feu furieux de milliers de pièces de tout calibre. Ce feu, d’ailleurs, bat si énergiquement l’arrière de vos lignes que la défense est en danger de succomber par manque de munitions, de vivres, de secours de toute espèce.

C’est alors que vous créez cette Voie véritablement Sacrée,