Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 5, 1935.djvu/83

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dans des opérations sans conséquence, ou insuffisamment préparées.

Enfin le miracle est accompli, devant lequel il faut bien que tous s’inclinent, de reprendre tous ces cœurs mécontents, de ressaisir tous nos héroïques rebelles pour les rendre à la patrie.

Victoire unique dans les fastes militaires ; reprise singulière pour laquelle il n’eût pas suffi des talents d’un grand capitaine : il y fallait une âme d’homme juste et grande.

Je ne puis m’empêcher de relever ici que c’est au même général dont on a dit parfois qu’il voyait noir, qu’il inclinait à présager le pire, qu’il fut unanimement demandé de restaurer l’espoir et de ranimer l’ardeur dans nos rangs.

L’armée réconfortée, vous la remettez tout entière à l’instruction à quelques pas de l’ennemi. Ce ne fut pas une des moindres étrangetés de cette guerre que la nécessité d’apprendre à la faire dans le temps même qu’on la faisait. Vous tenez à cœur d’inspirer à tous l’esprit de votre tactique, vous entendez que tous les enseignements que vous n’avez cessé de recueillir depuis l’entrée en campagne imprègnent jusqu’au moindre détail les exercices qui se poursuivent en marge des combats.

En quelques mois, entre vos mains expertes, l’armée française se fait un instrument de puissance, de précision et de résistance incomparable, qui va, pendant l’année critique et décisive, entre l’armée anglaise, bientôt terriblement éprouvée, et l’armée américaine, lentement croissante, lentement dressée, être l’agent essentiel de la défense et de la victoire communes.

Quel tableau que celui de cette dernière année !… Tout le monde sent bien que la fin approche, mais approche encore voilée. Il n’est pas encore impossible de s’inquiéter sur l’issue. L’énormité des conséquences redoutées de chaque parti les fait se roidir sous