Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 7, 1937.djvu/123

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ce que l’ombre abolit et couvre d’ordinaire, voilà de grands avantages.

Le cynisme dans les œuvres signifie généralement un certain point d’ambition désespérée. Quand on ne sait plus que faire pour étonner et survivre, on se prostitue, on livre ses pudenda, on les offre aux regards.

Après tout, il doit être assez agréable de se donner à soi-même, et de donner aux gens, par le seul fait de se déboutonner, la sensation de découvrir l’Amérique. Tout le monde sait bien ce que l’on verra ; mais il suffit d’ébaucher le geste, tout le monde est ému. C’est la magie de la littérature.


L’Égotisme littéraire consiste finalement à jouer le rôle de soi ; à se faire un peu plus nature que nature ; un peu plus soi qu’on ne l’était quelques instants avant d’en avoir eu l’idée. Donnant à ses impulsions ou impressions un suppôt conscient qui, à force de différer, de s’attendre à soi-même, et surtout de prendre des notes, se dessine de plus en plus, et se perfectionne d’œuvre en œuvre selon le progrès même de l’art de l’écrivain, on se substitue un personnage d’invention que l’on arrive insensiblement à prendre pour modèle. Il ne faut jamais oublier que dans l’observation que nous faisons de nous, il entre infiniment d’arbitraire…


Je ne serais point étonné que Stendhal se soit fortifié dans