Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 7, 1937.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Remarque : Être égotiste et utiliser les œuvres d’autrui avec le sans-gêne que l’on sait, c’est là une combinaison bien faite pour étonner.

On voit bien d’ailleurs ce qu’il y a de divertissant à proclamer, à confesser la nature et le naturel comme une thèse, et dans les formes d’une théorie.

Ce système séduisant et naïf, qui se rattache à Rousseau, et qui reparaît aussi souvent que l’état civilisé fait sentir à quelqu’un des gênes et des lois plus que des avantages, enorgueillit assez ceux qui le réinventent et ceux qui les suivent. Il est à la fois une manière de morale intime, une règle de conduite dans le monde, une religion de la personnalité, un parti-pris littéraire et une conséquence de ce tempérament de comédien-né que je trouve à Stendhal, et à tous ceux qui se confessent. Rien de plus intéressant, et rien, peut-être, de plus comique ; rien de plus excitant, rien de plus ingénu que de prendre le parti d’être soi, ou celui d’être vrai. Cette simple et grande décision n’est pas rare en littérature. Les exemples abondent, car les attraits sont vifs. Un moyen court d’être original, (superstition voisine), et de l’être en se bornant à être ; l’assurance de trouver de belles facilités une fois accompli un certain coup d’audace initial ; la licence d’utiliser les moindres incidents d’une vie, les détails insignifiants qui donnent de la vérité ; la liberté d’employer le langage immédiat et de créer des valeurs avec des riens généralement passés sous silence dans les livres ; les charmes certains d’un éclairage de nos mœurs qui fait nettement paraître