Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 7, 1937.djvu/145

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homme de lettres. Il est trop particulièrement soi pour être réductible à un écrivain. C’est en quoi il plaît et déplaît, et me plaît.

J’ai vu Pierre Loüys insulter cette prose intolérable, jeter, piétiner le Rouge et le Noir, avec une étrange et peut-être juste fureur…

Mais Stendhal tel qu’il est, quel qu’il soit, est devenu malgré les Muses, malgré sa plume, et comme malgré soi-même, l’un des demi-dieux de nos Lettres, un maître de cette littérature abstraite et ardente, plus sèche et plus légère que toute autre, qui est caractéristique de la France. C’est un genre qui ne compte qu’avec les actes et les idées, qui dédaigne le décor, qui se moque de l’harmonie et des équilibres de la forme. Il est tout dans le trait, le ton, la formule et la flèche, il prodigue les raccourcis et les réactions vives de l’esprit. Ce genre est toujours rapide, volontiers insolent ; il semble sans âge et en quelque sorte sans matière ; il est personnel à l’extrême, directement centré sur l’auteur, déconcertant comme un jeu plein de ripostes, et il tient à l’écart le dogmatique et le poétique qu’il déteste identiquement.



On n’en finirait plus avec Stendhal. Je ne vois pas de plus grande louange.