Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/37

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s’accorder, elle se pose enfin comme fille directe et ressemblante de l’être sans visage, sans origine, auquel incombe et se rapporte toute la tentative du cosmos… Encore un peu, et elle ne compterait plus comme existences nécessaires que deux entités essentiellement inconnues : Soi et X. Toutes deux abstraites de tout, impliquées dans tout, impliquant tout. Égales et consubstantielles.



L’homme que l’exigence de l’infatigable esprit conduit à ce contact de ténèbres éveillées, et à ce point de présence pure, se perçoit comme nu et dépouillé, et réduit à la suprême pauvreté de la puissance sans objet ; victime, chef-d’œuvre, accomplissement de la simplification et de l’ordre dialectique ; comparable à cet état où parvient la plus riche pensée quand elle s’est assimilée à elle-même, et reconnue, et consommée en un petit groupe de caractères et de symboles. Le même travail que nous faisons sur un objet de réflexions, il l’a dépensé sur le sujet qui réfléchit.

Le voici sans instincts, presque sans images ; et il n’a plus de but. Il n’a pas de semblables. Je dis : homme, et je dis : il, par analogie et par manque de mots. Il ne s’agit plus de choisir, ni de créer ; et pas plus de se conserver que de s’accroître. Rien n’est à surmonter, et il ne peut pas même être question de se détruire. Tout « génie » est maintenant consumé, ne peut plus servir de rien. Ce ne fut qu’un moyen pour atteindre à la dernière simplicité. Il n’y a pas d’acte du génie qui ne soit moindre que l’acte d’être. Une loi magnifique habite et