Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

christ, un ange, un monstre en prenant ce qui est connu, ce qui est partout, dans un ordre nouveau, en profitant de l’illusion et de l’abstraction de la peinture, laquelle ne produit qu’une seule qualité des choses, et les évoque toutes.

Des précipitations ou des lenteurs simulées par les chutes des terres et des pierres, des courbures massives aux draperies multipliées ; des fumées poussant sur les toits aux arborescences lointaines, aux hêtres gazeux des horizons ; des poissons aux oiseaux ; des étincelles solaires de la mer aux mille minces miroirs des feuilles de bouleau ; des écailles aux éclats marchant sur les golfes ; des oreilles et des boucles aux tourbillons figés des coquilles, il va. Il passe de la coquille à l’enroulement de la tumeur des ondes, de la peau des minces étangs à des veines qui la tiédiraient, à des mouvements élémentaires de reptation, aux couleuvres fluides. Il vivifie. L’eau, autour du nageur[1], il la colle en écharpes, en langes moulant les efforts des muscles. L’air, il le fixe dans le sillage des alouettes en effilochures d’ombre, en fuites mousseuses de bulles que ces routes aériennes et leur fine respiration

  1. Croquis dans les manuscrits de l’Institut.