recevant, un beau matin, une lettre, une lettre… foudroyante, — mais qui demandait cependant quelque attention pour en saisir toute la portée, — à peine ouverte, et vue plutôt que lue, j’ai ressenti l’affreuse sensation d’un coup de couteau dans le foie ?
— Mais je n’explique pas. Ce n’est pas qu’on ne puisse bâtir une phrase momentanément satisfaisante, palliative…
— Et comment expliquer qu’une idée, un sujet de préoccupation pénible, qui se trouve actuellement écarté, absent, dissimulé entièrement à l’esprit par quelque autre objet d’attention dont on se croit tout occupé, vous soit brusquement, brutalement rappelé, non par une « association d’idées » — comme on dit, — mais par un pincement subit dans la région du cœur ?
— Profondeur, profondeur…
— Attendez. Nous avons ergoté tantôt sur l’idée fixe.
— Et nous n’avons pas fini. Je m’en doute.
— J’ai chicané…
— Je vous le concède.
— Mais permettez que je critique une autre expression, — encore plus répandue.
— Je vois que vous êtes en forme. Vous devez être bien fatigué.
— Tant pis. Et vous ?
— Moi ?… Je vous écoute.
— Je chicane encore ?… On parle souvent d'idées tristes, — plus souvent encore que d’idées fixes. On parle d'idées noires…
— Vous allez démolir aussi les idées tristes ! Guérison radicale des mélancoliques…
— Hélas ! non… Je dis seulement qu’une idée ne peut pas être triste. La même idée qui accable Pierre, laisse Jacques insensible. Quant à la tristesse dont Jacques est capable, elle se trouvera en lui un prétexte, une « cause », un visage…
— Tout ceci me paraît aventuré…
— Ce n’est pourtant pas neuf…
— C’est spécieux.
— Les anciens avaient entrevu ces choses là. Les tempéraments…
— Oh ! Les anciens !…