dans « l’Encéphale »… Je vois cela Edmond T… 50 ans. Pas d’antécédents connus. Instruction moyenne. Âge mental ? Combien me donnez-vous.
— Onze ans, trois mois.
— Merci… C’est bien l’âge que je me sens… Et après, que mettrez-vous ?
— Multipare.
— Comment, Multipare ?…
— N’avez-vous pas accouché plusieurs fois ?
— Moi ?
— De livres ?
— Oui. Des enfants morts…
— Morts de quoi ?
— D’être nés… Mais que disions-nous ?… Où en étions-nous ?
— Partout et nulle part… Permettez-moi de constater qu’on se perd à chaque instant en votre aimable compagnie.
— Pardon, nous sommes ici indivisibles. Dites que nous faisons indivisément de la confusion.
— Parfait… La Confusion mentale seul ou à deux… Encore un fameux morceau !… Ceci vous tire l’œil… Je tiens mon article.
— Eh bien, n’oubliez pas d’insister sur ceci : que la confusion mentale, — qui est plus ou moins pathologique dans le seul, — est normale quand on est plusieurs… L’incohérence, les quiproquos, le coq-à-l’âne etc. sont de règle, et même de rigueur, dans les conversations, débats, discussions, et autres « échanges de vues », consultations, controverses,… duos d’amour, etc… etc… Mais, mon cher docteur, on n’avancerait pas si on comprenait… J’irais plus loin : on ne se comprendrait pas soi-même si on comprenait les autres… Et on cesse de comprendre les autres si on se comprend tout à fait soi-même… C’est évident… Tenez, nous nous rencontrons sur ce bloc par le plus grand des hasards ; nous causons… Et en quelques minutes…
— La divagation pure se déclare !
— C’est là ce qu’on appelle causer, mon cher Docteur…
— C’est de la détente… Il fait bon et superbe, ici. Nos propos font des ronds à la surface de nos ennuis.
— Le mal de l’activité s’y apaise.
— Oui. Si l’on se taisait un peu ?