— Et c’est là que vous intervenez, mon cher Docteur.
— J’essaye.
— L’intelligence ne comprend rien à la vie, et donc à la mort. La sensibilité de chacun veut, d’autre part, tirer son épingle individuelle du jeu. Résultat : l’individu lutte contre la loi ; l’intellect lutte pour la vie contre la vie ; et vous autres, médecins, vous êtes les champions, les stratèges de la lutte de la vie individuelle contre la loi de la vie… moyenne…
— Pendant ce temps, la vache a filé.
— Quelle vache ?
— Celle qui se fiche des cieux… Du moins, vous le dites. Et vous n’en savez pas plus que moi… Eh bien, et les singes ?… Voilà au moins des curieux.
— Les singes ?… Sans doute, leur cycle… est un peu plus étendu… Il englobe…
— Allons, allons… Vous ne savez pas le moins du monde ce que vous allez me raconter. Vous êtes pris en flagrant délit d’insuffisance pithiatique…
— Pas du tout. Je… crée. Je tire de moi ce que je ne savais pas contenir.
— Vous tirez de vous ce qui n’y est pas. C’est là créer ?
— Ex nihilo.
— C’est merveilleux. C’est toujours la Nébuleuse en évolution…
— Mais oui, Docteur.
— C’est l’Ignorance Créatrice. C’est la Création par le Vide…
— Ma foi, avant le Verbe, on est avant le Commencement. Avant… l’Avant.
— Le fait est qu’en toute matière, les commencements sont durs…
— Oui. Heureusement, l’homme n’est pas d’un seul morceau. Une partie de lui devance l’autre. L’eau lui vient à la bouche avant qu’il ait touché au plat. Il en est un peu ainsi des idées.
— Précisons. Vous disiez cependant que vous ne saviez pas du tout ce que vous alliez vous extraire de la tête et me servir ?
— Exactement ? — Non. Je le sens. Je le pressens…
— Sous quelle forme ? — A quel état ?
— À l’état de promesse, ou d’espoir ?