Page:Valéry - L’Idée fixe.djvu/61

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pas… D’ailleurs, entre nous, je ne l’ai peut-être jamais lue…

— C’est assez curieux. L’ensemble est bizarre… Mais il y a de beaux endroits.

— Et alors ?

— Il y avait un Pharaon. Il avait un collège de magiciens attachés à sa personne.

— Pauvre homme…

— Survient Moïse.

— Je l’admets. Si rien ne survenait, il n’y aurait pas d’histoire.

— Très juste. On pourrait en faire une théorie du roman…

— Parfaitement inutile. Voyons Moïse.

— Moïse survenu émerveille le Roi par divers prodiges… Il change l’eau en sang, tue les poissons à distance…

— Ce n’est pas mal… C’est la guerre de demain !

— Les sorciers sont piqués au jeu…

— Ils sont jaloux, parbleu !… C’est régulier. Ce sont les officiels, en somme ?

— C’est cela…

— L’histoire doit être vraie.

— Alors le Pharaon ouvre un concours…

— Il a osé ?… Contre ces gros messieurs ?

— Il paraît… C’était un concours de parasites.

— C’est bien ce que je pensais. C’était à qui vivrait aux dépens du brave Pharaon.

— Mais non… Il s’agit de parasites ès qualités… Des parasites… au propre, si j’ose dire. Des grenouilles, des sauterelles…

— Mais ce ne sont pas des parasites…

— Des moustiques…

— Fichtre !… Anophèles !… Pharaon était paralytique général… C’est clair.

— Moïse, de son côté, faisait de son mieux. Il prodiguait les maux et les catastrophes.

— C’était un vrai homme d’État… Et il a gagné ?…

— Mais ce n’est pas cette histoire là que je voulais vous raconter. C’était le conte arabe, que je trouve plus approprié…