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Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/206

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d’ailleurs, l’une des plus divisées qui soit, se figure à chaque Français tout une dans l’instant même. Nos dissensions s’évanouissent, et nous nous réveillons des images monstrueuses qui nous représentent les uns aux autres. Partis, classes, croyances, toutes les idées fort dissemblables que l’on se forme du passé ou de l’avenir se composent. Tout se résout en France pure. Il naît pour quelque temps une sorte d’amitié inattendue, de familiarité générale et sacrée, d’une douceur étrange et toute nouvelle, comme doit l’être celle d’une initiation. Beaucoup s’étonnaient dans leur cœur d’aimer à ce point leur pays ; et, comme il arrive qu’une douleur surprenante nous éveille une connaissance profonde de notre corps et nous éclaire une réalité qui était naturellement insensible, ainsi la fulgurante sensation de l’existence de la guerre fit apparaître et reconnaître à tous la présence réelle de cette patrie, chose indi-