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Page:Valbezen - Les Anglais et l’Inde, 1857.djvu/406

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LES ANGLAIS ET L’INDE.

entourées de jardins d’une assez vaste étendue, mais le tout dans un déplorable état de désordre et d’abandon. En effet, malgré les sommes considérables que l’empereur dépossédé reçoit de l’honorable compagnie des Indes, si nombreuse est sa famille, telle est la dilapidation de toute administration asiatique, que des princes du sang royal même ont à peine les moyens de pourvoir aux dépenses de la plus modeste existence. Malgré ce dénûment de la famille impériale, vous retrouvez aux portes du palais, dans les cours de la forteresse, cette foule de serviteurs oisifs qui sont l’un des luxes et l’une des plaies de l’Inde. J’aime à croire, toutefois, qu’une demi-douzaine d’artistes réfugiés sous un hangar, où ils se livrent au plus exécrable sabbat, n’appartiennent pas à la musique impériale ; mais il y a autour de vous des gardes du corps armés d’arcs et de carquois, des lettrés, des porteurs d’éventail, des veneurs, de sages brahmines, même des eunuques qui se reconnaissent facilement à leurs traits flétris et à leur démarche dolente. Je distingue parmi eux une variété de l’espèce, l’eunuque chasseur, un monstre armé d’un fusil, qui porte fièrement à la main les dépouilles de deux pauvres tourterelles qu’il vient d’assassiner dans les jardins. Un serviteur de la couronne, d’un galbe peu opulent, vêtu d’une tunique rouge flétrie, armé d’une canne à pomme d’argent et affligé d’un œil avarié, vous fait, moyennant backchich, les honneurs de cette demeure d’une royauté déchue, et, par un singulier phénomène d’ubiquité, vous retrouvez, sans avis préalable, cet individu à