Aller au contenu

Page:Valbezen - Les Anglais et l’Inde, 1857.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
LES ANGLAIS ET L’INDE.

riots à bœufs, une véritable immigration : des flancs de mon palanquin, je peux me croire au milieu d’une nation entière en voyage, et plus nombreux sans doute n’étaient pas les Hébreux lorsqu’ils quittèrent l’Égypte pour la terre promise. Seulement la ressemblance s’arrête là, car il n’y a pas le moindre pharaon aux trousses de cette multitude. Rien mieux que cette foule pressée sur une longue route ne peut donner une idée de l’innombrable population de l’Inde, et de la puissance qu’exercent sur elle, malgré cent ans de domination étrangère et chrétienne, les préjugés d’une religion imbécile. Toutes les races de l’Inde sont représentées par échantillon dans cette cohue : le vaillant Rajpoot aux formes herculéennes, le timide Bengali, les hommes du Punjab, les Arabes du Scinde. Et quelles mœurs que celles de ces pèlerins ! Celui-ci arrive des extrémités de la présidence de Madras et ne porte avec lui pour tout bagage qu’un bâton et un pot de cuivre. Dans ce chariot traîné par des bœufs, entassés l’un sur l’autre plus que ne le sont des harengs dans une caque, se trouvent une vingtaine d’individus, hommes, femmes et enfants, qui ont voyagé ainsi depuis des mois ; une longue file de chameaux amène ces pèlerins des déserts de la haute Asie. Voici une troupe de femmes, vêtues de robes sombres et d’allures suspectes, qui parcourent la route en poussant des cris inouïs dont les sons discordants dominent les éclats de tambour avec lesquels des voyageurs charment les ennuis d’une halte. Enfin dans ce palanquin aux flancs dorés s’épanouit quelque riche babou, qui a