Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/131

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gnaient qu’on les eût crus capables de m’aider à semer la division dans le parti.

Émotions mesquines qui tuaient la fleur de la pensée dans ma tête ! promenades éreintantes qui écrasaient mes idées en chemin !


Imbécile que je suis !

Je me figurais que ma défaite piteuse viendrait de ce que je n’ai pas assemblé un faisceau de doctrines.

Allons donc !

J’ai, à deux ou trois reprises, vu jour pour les amener, rigides et nettes, devant la foule… Ils ont trouvé que je parlais froid. Ils espéraient des mots qui flambaient — et mes partisans eux-mêmes m’ont tiré par le pan de la redingote pour me souffler qu’il n’y avait, devant ce public, qu’à faire ronfler la toupie des grandes phrases.

Mais moi qui, jadis, avais dans la main le nerf de bœuf de l’éloquence tribunitienne, je n’ai plus l’envie de le faire tournoyer et de casser, avec cela, les reins aux discours des autres ! J’ai honte des gestes inutiles, de la métaphore sans carcasse — honte du métier de déclamateur !


Pardieu, oui ! j’évoquerais des images saisissantes et qui empoigneraient ce monde-là, si je le voulais !… Or, je ne me sens plus le courage de le vouloir. J’ai perdu, avec l’ardeur de la foi jacobine, le roman-