Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/181

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Place du Palais-Bourbon.

Nous sommes devant le Corps législatif, tous les trois, Theisz, Avrial et moi, le jour de la déclaration.

Il fait grand soleil, de jolies femmes apparaissent en fraîches toilettes, avec des fleurs au corsage.

Le ministre de la Guerre, ou quelque autre, vient d’arriver tout fringant, dans une voiture à caisse neuve, traînée par des chevaux au mors d’argent.

On dirait une fête de la Haute, une cérémonie de gala, un Te Deum à Notre-Dame ; il flotte dans l’air un parfum de veloutine et de gardenia.

Rien ne dénote l’émotion et la crainte qui doivent tordre les cœurs quand on annonce que la patrie va tirer l’épée.


Des vivats ! des cris !…

Le sort en est jeté — ils ont passé le Rubicon !


6 heures.

Nous avons traversé les Tuileries, silencieux, désespérés.

Le sang m’était sauté à la face et menaçait de m’envahir le cerveau. Mais non ! ce sang que je dois à la France est sorti bêtement par le nez. Hélas ! je vole mon pays, je lui fais tort de tout ce qui coule, coule et coule encore !