Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Pas sur celle-là ! crie la maîtresse de la maison en s’arrachant les cheveux ; là-dessus si vous voulez ! »

Et elle indique un tabouret infirme d’où l’on est sûr de tomber chaque fois qu’on y grimpe.

On salit beaucoup le dessus des chaises.

Quelqu’un propose d’ôter ses souliers chaque fois qu’il y aura une discussion un peu chaude. On vote.

« Non, non ! »

C’est la femme qui a protesté le plus énergiquement, elle a levé les deux mains — je présidais, je l’ai bien vu.

Elle préfère encore qu’on garde ses souliers et que l’on abîme ses chaises.

Matoussaint a voté contre le déchaussage. Pourquoi ? lui qui n’est pas pour les préjugés. C’est une faiblesse, voyons ! mais il s’en explique.

« Si j’ôtais mes souliers, me dit-il tout bas, je ne pourrais plus les remettre, ils ne tiennent qu’avec des ficelles par dessous ; ce n’est pas des semelles, c’est du crochet. »


Ah ! les bonnes heures, les belles soirées ! — avec le soleil, la brise, les colères jeunes, les rires fous ; avec le tabouret qui boite et le café qui embaume !

Ce printemps dans les arbres, ce printemps dans nos têtes !… Les oiseaux qui battent la vitre, nos cœurs qui battent la campagne !

Je garderai la mémoire de ces jours-là toute ma vie.

J’ai eu du bonheur de tomber sur ce béret rouge.