Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/115

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On m’accuse de semer la division. — J’ai voué un culte aux intérêts matériels.

Je suis un adorateur du veau d’or !

Je me défends comme je peux.

« Je ne parle pas pour moi ; ma plume, on le sait, est au service de la Révolution ; mais l’imprimeur ! est-ce qu’on trouvera un imprimeur ? »

J’emprunte une comparaison à Shakespeare pour imager mon idée :

« L’imprimeur de nos jours ! savez-vous comment il s’appelle ? Il s’appelle Shylock. Shylock, l’intéressé, l’avare, le juif, le rogneur de chair !

— Non, dit Matoussaint, sautant comme un ressort sur le tabouret ; il s’appelle « Va de l’avant ! » Oui, oui ! Va de l’avant, ou encore Fais ce que dois. Il s’appelle Le Courage, il s’appelle La Foi. »

Je redescends de ma chaise au milieu de l’émotion générale, après m’être couvert d’impopularité.

Je suis mis à l’index pour toute la soirée, et quand on verse le café, je n’en ai qu’une toute petite goutte !

Je demande s’il n’en reste pas.

« Non », dit Renoul qui verse.

Un non sec, qui m’attriste venant d’un compagnon d’armes, et puis j’avais bien envie de café ce soir-là !

J’en ai trop envie ! Tant pis ! Je fais amende honorable.

« Eh bien, oui, j’ai eu tort ! L’imprimeur s’appelle Fessequedoit ou Vadelavant ! J’ai eu tort… il faut d’abord agir, et ne pas jeter des bâtons dans les roues du char qui porte la Révolution. »