Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/202

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la mine douteuse, pour nous faire signe qu’on écoutait, et tout le monde a dit : « Plus bas, plus bas ! »


Voici d’autres camarades !

Mais ils n’ont plus les mêmes têtes, le même regard, les mêmes gestes que la dernière fois où je les vis !…

Les mains dans les manches, eux aussi : le pied traînant, la lèvre molle…

Ils trouvent que je fais trop de bruit, ils le trouvent pour tout de bon. Leur poignée de main a été chaude, mais leur conversation est gelée.

Ils m’envoient des coups de genou sous la table.


Est-ce la rancune du passé, de nos querelles de Décembre, qui revient malgré tout, et qui a creusé entre nous un abîme ? Il y a peut-être des mots irréparables, même ceux prononcés sous le canon !…

Non ! c’est bien Décembre qui pèse sur nous ; mais point le souvenir de ce que j’ai dit en ces heures de désespoir : c’est la peur de ce que je puis dire dans le milieu d’espionnage et de terreur que Décembre a créé.

L’homme à mine douteuse regarde toujours de notre côté.


Nous avons dîné ainsi, sur le qui-vive !

Je tire ma bourse.

« C’est moi qui paie, voulez-vous ?