minelle ! Elle devait prévoir que cet homme pouvait partir, elle devait savoir qu’il y a des postillons qui volent, elle devait m’éviter de me trouver seul avec une pièce d’un franc sur le pavé d’une ville où j’ai été enfermé comme écolier, rien de plus.
« Vous êtes le voyageur à qui cette malle appartient ? fait un employé.
— Oui, monsieur.
— Voulez-vous la faire enlever ? Nous allons placer d’autres bagages dans le bureau. »
La prendre ! Je ne puis la mettre sur mon dos et la traîner à travers la ville… je tomberais au bout d’une heure. Oh ! il me vient des larmes de rage, et ma gorge me fait mal comme si un couteau ébréché fouillait dedans…
« Allons, la malle ! voyons ! »
C’est l’employé qui revient à la charge, poussant mon colis vers moi, d’un geste embêté et furieux.
« Monsieur, dis-je d’une voix tremblante… J’ai pour M. Truchet… une lettre de M. Andrez, le directeur des Messageries de Nantes… »
L’homme se radoucit.
« M. Andrez ?… Connais ! Et alors c’est d’un endroit où aller loger que vous avez besoin ?… Il y a un hôtel, rue des Deux-Écus, pas cher. »
Il a dit « pas cher » d’un air trop bon. Il voit le fond de ma bourse, je sens cela !
« Pour trente sous, vous aurez une chambre. »
Trente sous !