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LA DETTE

Mais M. Caumont m’a envoyé sa note.

Diable !

C’est plus que je ne pensais ! deux fois plus !

Je donne un acompte. L’acompte donné, il me reste sept francs pour finir mon mois ! Il s’agit d’être économe, sacrebleu !

Je le suis.

Je vis sur le pouce. Je déjeune avec du cochon.

Un jour, j’avais très faim. Je n’ai pas attendu d’être chez moi ; j’ai acheté une saucisse, un petit pain, et je me suis mis à luncher sous la porte cochère d’une vieille grande maison, gaiement, sans penser qu’un malheur me menaçait !


Ce malheur arrive au trot.

C’est une calèche qui entre. Je n’ai que le temps de me garer contre le mur, les bras étendus comme un Christ.

Une jeune fille crie au cocher : Prenez garde !

Mais je la connais ! — C’est la miss anglaise !

Elle m’a vu !

L’homme de ses rêves est là contre le mur, avec du cochon dans une main, un petit pain dans l’autre…

Je vais bien, moi !

On fit une romance dans un cénacle sur mon infortune : Le Christ au saucisson : quatre couplets et un refrain.