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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/392

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faudrait vous couper l’oreille tout de suite, si ça vous prenait…

— Oui, monsieur.

— Pourquoi avez-vous éparpillé la correspondance comme ça ?

— Pour la classer, pointer…

— Celle qui est sous vous doit être brûlante… »

Il ne me laisse pas le temps de combattre l’idée que j’ai pu déshonorer le courrier en m’asseyant dessus, et avant que j’aie fini de ranger, il me demande la lettre qu’il m’a prié de rédiger.

« Lisez. »

Il me laisse barboter, et quand j’ai lu mes trois lignes :

« Monsieur Vingtras, me dit-il, vous n’avez pas le style du commerce. J’aperçois du latin sur votre chiffon. Que diable vient faire ce latin dans une lettre d’usine !… Ne soyez pas désespéré de mes observations. Dans quelque temps vous en remontrerez peut-être à votre maître. Dès que vous serez, si peu que ce soit, en mesure de faire la besogne, je vous donnerai 100 francs par mois. En attendant, remettez les lettres comme elles étaient… pour que M. Troupat s’y retrouve… Bien… Maintenant, allez fumer un cigare dans la cour, et laver votre langue à la fontaine. »


Est-ce un ordre, une plaisanterie, un conseil ?… Mieux vaut ne pas s’exposer à un reproche.

Je vais laver ma langue à la fontaine.