Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/49

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Est-ce que Schaunard, Rodolphe, Marcel, n’en ont pas de la misère, et est-ce qu’ils ne s’amusent pas comme des fous en ayant des maîtresses, en faisant des vers, en dînant sur l’herbe, en se moquant des bourgeois ?

Je n’ai pas encore dîné sur l’herbe ; je n’ai presque pas dîné même, pour bien dire.

Pauvre mère Vingtras, elle m’a prédit que je regretterais son pot-au-feu ! Peut-être bien…


Je lui ai écrit pour lui annoncer mon installation à l’hôtel Riffault, dans une chambre très propre. J’avais ajouté que j’avais fait connaissance de gens qui pourraient m’être très utiles (!).

Je veux parler de Matoussaint, d’Angelina, de Royanny. — Ils m’ont été utiles, en effet, pour le paletot jaune, et ils peuvent me donner l’adresse de tous les monts-de-piété du quartier.


Ma mère m’a répondu.

Il tombe de sa lettre un papier rouge. Bon pour quarante francs, écrit en travers. C’est un mandat de poste !

Un mot joint au mandat :

« Ton père t’enverra quarante francs tous les mois. »

Quarante francs tous les mois !

Je n’y comptais pas, je croyais que les quarante francs du père Truchet étaient quarante francs une fois pour toutes.

Quarante francs !…

On peut payer son loyer, acheter bien du pain et