Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le héros (c’est l’acteur Munié) arrive avec un pistolet sur la scène.

Il hésite : « Faut-il vivre honnête ou assassiner ? Sera-ce la vie bourgeoise ou l’échafaud ? »

Matoussaint crie : L’échafaud ! l’échafaud !


Les quarante francs y ont passé.

On s’est bien amusé pendant dix jours, et je n’ai pas songé une minute au moment où l’on n’aurait plus le sou.

Ce moment est arrivé ; il ne reste pas cinquante centimes à partager entre l’hôtel Lisbonne et l’hôtel Riffault.

Je viens de remonter mon échelle, de fermer ma porte. Je n’ai mangé que du bout des dents à dîner, il y avait trop peu, mais j’ai acheté un quignon de pain bis pour le croquer dans mon taudis.

Il n’est que huit heures.

La soirée sera longue dans ce trou, mais j’ai besoin d’être seul ; j’ai besoin d’entendre ce que je pense, au lieu de brailler et d’écouter brailler, comme je fais depuis huit jours. Je vis pour les autres depuis que je suis là ; il ne me reste, le soir, qu’un murmure dans les oreilles, et la langue me fait mal à force d’avoir parlé ; elle me brûle et me pèle à force d’avoir fumé.

Ce verre d’eau, tiré de ma carafe trouble, me plaît plus que le café noir de l’hôtel Lisbonne ; mes idées sont fraîches, je vois clair devant moi, oh ! très clair !

C’est la misère demain.

Matoussaint assure que ce n’est rien.