de la rue de la Pépinière, à Montrouge, où il y avait des barriques sur champ, et qui était devenu notre café Procope ; où l’on entendait tomber le vin du goulot et partir les vers du cœur ; où l’on ne songeait pas plus au lendemain que si l’on avait eu des millions ; où l’on se faisait des chaînes de montre avec les perles du petit bleu roulant sur le gilet ; où, pour quatre sous, on avait de la santé, de l’espoir et du bonheur à revendre. Oui, j’ai été bien heureux devant cette table de cabaret, assis sur les fûts vides !
Quand on revenait, la mélancolie du soir nous prenait, et nos masques de bohèmes se dénouaient ; nous redevenions nous, sans chanter l’avenir, mais en ramenant silencieusement nos réflexions vers le passé.
À dix minutes du cabaret on criait encore, mais un quart d’heure après, la chanson elle-même agonisait, et l’on causait — on causait à demi-voix du pays ! — On se mettait à deux ou trois pour se rappeler les heures de collège et d’école, en échangeant le souvenir de ses émotions. On était simples comme des enfants, presque graves comme des hommes, on n’était pas poète, artiste ou étudiant, on était de son village.
C’était bon, ces retours du petit cabaret où l’on vendait du vin à quatre sous.
Nous avons fait une folie une fois, nous avons pris du vin fin, un muscat qu’on vendait au verre, un muscat qui me sucre encore la langue et qu’on nous reprocha bien longtemps.