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Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/34

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LES RÉFRACTAIRES.

un lilas blanc, un pauvre petit bouquet de violettes d’un sou !

On maudit le soleil quand il arrive ; le soleil qui fait pousser les feuilles et les roses, mais qui fait aussi reluire les taches et roussir les chapeaux, qui éclaire à grands rayons la détresse de ces vaincus ! Mieux valent encore les jours tristes : les jours de glace, où le froid fait les rues vides ; les jours de pluie, où toutes les hardes sont égales devant la boue ; temps sombres qui permettent les chemises douteuses et les chaussures fatiguées ! Dans la neige, au moins, on ne voit pas qu’il n’y a plus de semelles.


IV

Comment ils finissent ?

C’est l’hôpital qui en prend encore le plus grand nombre : la misère les tue l’un après l’autre. On dit qu’on ne meurt pas de faim. On se trompe. Seulement on y met le temps : dix, douze ou quinze ans, suivant la chance. Un beau jour, ils se sentent la gorge sèche, la peau brûlante ; ils crachent, ils toussent — cela ennuie les voisins — ils vont à la Charité, en sortent, y retournent et meurent. Dans la poche de leur paletot ils laissent une pipe à moitié bourrée,