Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

des hommes nouveaux : Poupelin ne fut d’aucune combinaison.

À la fin, fatigué, un peu triste, il songea à se retirer, pour un temps au moins, et je le vis un jour qui rentrait avec une feuille de papier-ministre à la main. Il écrivit, le soir, au cabinet des Tuileries ; sa lettre était simple et digne.

Il annonçait son intention de rentrer dans la vie privée.

Laissant à d’autres le soin des affaires, il allait se reposer des luttes d’autrefois sous le toit de ses pères. Il était décidé à refuser désormais tout ce que le gouvernement songerait à lui offrir. Mais, pour montrer qu’il ne boudait pas, que c’était fatigue et non rancune, il déclarait qu’il accepterait avec reconnaissance la croix de la Légion d’honneur. Il priait Son Excellence de vouloir bien appuyer le plus tôt possible sa demande, et soumettre prochainement sa nomination à la signature de l’Empereur. Il allait partir et aurait voulu attacher le ruban à la boutonnière de sa redingote de voyage.

À partir de ce jour, il lut tous les matins le Moniteur sur les murs des mairies et se chercha parmi les décorés. Il commençait à perdre patience, quand un jour, sur la liste, il voit un nom qui ressemblait au sien. Ce n’était point l’orthographe exacte, et un des prénoms était faux. Aussi écrivit-il au ministre pour obtenir la rectification, en faisant remarquer sans aigreur, mais non sans mélancolie, combien la fortune, jusque dans ses faveurs, se montrait bizarre