sance de la comédie moyenne[1]. Il peut se faire que des personnages de son époque aient servi de sujets d’étude à Rabelais pour la création de quelques-uns de ses héros ; mais, s’il en est ainsi, avec la sûreté de l’anatomiste il a pénétré dans leur âme, en a fait l’analyse, a su abstraire leurs défauts et leurs qualités, leurs passions et leurs ridicules, les personnifier et en former des types qui ont une originalité propre. « Les êtres qu’il crée, dit un grand historien[2] avec le discernement d’un littérateur consommé, sont aussi puissants, aussi originaux que sa langue. » Le roman de Gargantua et de Pantagruel n’est donc ni une pure gaudisserie de cabaret, ni une énigme inexplicable, ni une insulte à l’autorité royale et religieuse, ni une satire personnelle ; il a un tout autre caractère, une plus haute portée. C’est, sous les dehors d’une intarissable gaieté, d’une folie qui n’a pas sa pareille, une satire impersonnelle pleine de sagesse, une très-saine critique des aberrations et des abus de tout genre ;
- ↑ Il ne nous en reste aucune pièce ; il suffit de savoir qu’on mettait en scène des personnages vivants, non sous leurs propres noms comme dans la comédie ancienne, mais sous des noms altérés ou changés. Aristophane nous donne l’idée de ce genre dans son Plutus.
- ↑ Henri Martin. Histoire de France, tome VIII, page 209.