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LES POÈTES DU TERROIR

lettres, des arts et des sciences. Rien n’est plus difficile, plus complexe à définir que l’Auvergne. Se place-t-on au point de vue géologique ? Ici ce sont les granits : là, les volcaniques et les basaltes ; ailleurs, les alluvions dominent. « Au point de vue anthropologique ? Les éléments les plus disparates sont venus se heurter, au cours des siècles, contre cette forteresse qu’est le Plateau central : d’abord les anciens Celtes, autochtones à tête courte ou brachycéphales, qui ont été repoussés dans le massif du Centre par les envahisseurs d’Orient (Phéniciens, Grecs, Touraniens), du Nord (Francs, Normands), du Sud (Maures)… Les uns, au nord et à l’est, ont formé des colonies de dolichocéphales blonds, légers, remuants, braves. Les autres, à l’ouest, les dolichocéphales bruns, plus violents, mais moins jouisseurs. Au sud, ce sont les brachycéphales à tête ronde, aux cheveux bruns, aux mâchoires carrées, aux yeux enfoncés sous d’épaisses crêtes sourcilières, tous tenaces, acharnés, sobres, doués de vertus foncières plutôt que de qualités brillantes. Au point de vue ethnologique, c’est encore le chaos. Au nord, une influence bourbonnaise, au caractère franchement parisien : émigration vers Paris. Dans le Cantal, au contraire, orientation complète vers le sud : émigration en Espagne. Du côté de la Haute-Loire, une contrée tributaire du bassin lyonnais : émigration vers la vallée du Rhône. George Sand comparait cette contrée à la campagne romaine : pour d’autres auteurs, elle prend l’allure d’une colonie corse, montagnards jaloux, susceptibles et vindicatifs à l’excès. Au point de vue linguistique ? Au nord, langue d’oïl. Au sud, patois d’oc, gascon mêlé d’une incroyable quantité de tournures espagnoles. Au sud-est, on devine dans ce rude gasconnage un léger zézaiement provençal[1] »

Veut-on connaître maintenant son caractère pittoresque ? Terre du tourisme par excellence, l’Auvergne est sans nul doute la plus variée et aussi la plus méconnue de toutes nos provinces. « L’Auvergne, observe Michelet (Notre France), est la vallée de l’Allier, dominée à l’ouest par la masse du mont Dore qui s’élève entre le pic ou puy de Dôme et la masse du Cantal. Vaste incendie éteint, aujourd’hui paré presque partout d’une forte et rude végétation. Le noyer, le châtaignier, pivotent sur le basalte, et le blé germe sur la pierre pouce. Les feux intérieurs ne sont pas tellement assoupis que certaine vallée ne fume encore et que les etouffis ne rappellent la solfatare et la grotte du Chien. Villes noires, bâties de lave (Clermont, Saint-Flour, etc.). Mais la campagne est belle, soit que vous parcouriez les vastes et solitaires prairies du Cantal et du mont Dore, au bruit monotone des cascades ; soit que de l’île basaltique où repose la

  1. C. des Cordeliers, Le Sens artistique et les Auvergnats.