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LES POÈTES DU TERROIR

dominante Clermont, assise parmi la cour voluptueuse dos montagnes qui se tiennent autour, vous promeniez vos regards sur la fertile Limagnc et sur le puy de Dôme, ce joli dé à coudre de sept cents toises, voilé, dévoilé tour à tour par les nuages qui l’aiment et qui ne peuvent ni le fuir ni lui rester… »

Tout l’aspect du pays est dépeint là, synthétiquement. Mais que de sites à observer encore dans ces régions si diverses de la Combraille, du Franc-Alleu, du Livradois, du Carladez et de ce petit dauphiné d’ « Arverne », si justement dénommé, à cause de sa ressemblance et de sa proximité avec la grande province traversée par le Rhône. Aussi bien est-ce une série de tableaux qu’on ne saurait décrire sans les avoir vus en détail. Linfluence climatérique intervient, joue son rôle dans ce décor, transforme cette nature âpre et féconde à la fois. Se représente-t-on les montagnes d’Auvergne glacées par les mois d’hiver, crépitantes de givre sous le vent du nord roulant des rafales, et ces plateaux dénudés qui s’étendent à perte de vue sous la neige, lorsqu’on vient du Limousin et qu’on est parvenu dans les environs du mont Dore ? Les sommets émergent à peine au-dessus du sol rocailleux. Les villages sont rares : la solitude se fait de plus en plus angoissante ; un accablement vous prend devant tant de désolation. « Mais quel contraste dès que, les pentes tournées, on descend sur Clermout-Ferrand !

« On a passé la Sioule, cette rivière vierge, dont la limpidité ondule entre d’épaisses forêts vertes, sans qu’un toit apparaisse à l’horizon, ni qu’une fumée décèle la présence de l’homme ; on a foulé ces pierres de Volvic, qui servent à bâtir tous les monuments de l’Auvergne ; on a salué Pontgibaud, son nom historique et ses souvenirs ; c’est alors qu’on aperçoit la Limagne.

« La plaine s’étend au loin, là-bas, vers Riom, vers le Bourbonnais, vers Nevers, on ne sait où ; et, plus près, au pied de la montagne, après les dernières pentes raides, Clermont-Ferrand groupe son pâté de maisons, son dédale de ruelles, sa ceinture de boulevards, autour de la cathédrale, toute noire dressée. Si c’est le soir, l’effet se double : le fouillis des lumières ruisselle dans l’ombre ; on va vers cet entassement de clartés, et l’ondulation de la descente donne des essors au rêve[1]… »

Et que d’autres beautés émouvantes à découvrir ! Montée vers le puy de Dôme, après qu’on a reconnu Royat et son église fortifiée ; excursion aux lacs des montagnes, aux cascades, aux sources de la Dordogne ; voyage entre Clermont et Thiers, par-dessus le grand fleuve d’Allier, à travers de riches et humides campagnes… Eh bien, malgré tant de ressources, ce sol est stérile à la poésie. On a cherché en vain à expliquer les causes de cette indigence intellectuelle. Absence d’imagination

  1. Charles Fuster, Les Poètes du Clocher.