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LES POÈTES DU TERROIR

lui valut d’être proclamé majoral du felibrige, en remplacement de F. Donnadieu (1900). Il publia ensuite un recueil de sonnets français : En plein vent (Paris, Stock, 1900, in-18), et enfin, en 1903, le volume intitulé Mon Auvergne (Paris, Plon, éd. de la Revue des Poètes, in-16), ouvrage couronné par l’Académie française (prix Archon-Despérouses).

Arsene Vermenouze est retiré du négoce depuis 1905 et prépare deux nouveaux volumes, l’un en dialecte, l’autre en français.

Catholique fougueux, il n’a cessé d’écrire dans des journaux d’opposition, notamment dans la Croix du Cantal. Il est, de plus, collaborateur assidu de la Revue des Poètes, du Mois littéraire et pittoresque, de la Renaissance provinciale, de L’Ame latine et de plusieurs autres périodiques. À ses débuts, il a dirigé la revue auvergnate Lo Cabretto. C’est une belle figure. « Grand, brun, frisant la cinquantaine, le visage d’uue maigreur ascetique, de coupe dure, accentuée par une barbe en fer à cheval, mais sur lequel se révèle la franchise, la modestie et la bonté[1] », trois de ses qualités maitresses, tel apparait ce chantre du Cantal.

Alors qu’il exerçait encore son activité de commerçant et de poète, M. Ajalbert s’est plu à le peindre dans son milieu. La page a quelque saveur et vaut d’être retenue :

« Vermenouze est négociant à Aurillac… Il semble tout à ses affaires, des semaines, des mois, lorsqu’une vesprée d’automne le nomade qui est en lui se réveille. Il décroche l’un de ses fusils, siffle l’un de ses chiens, laisse la boutique à son associé, disparait, s’enfonce dans les bruyères vierges, vers les mamelons incultes de Saint-Saury-la-Bastide, de Saint-Hilaire-les-Bessonies, et quelques jours après revient, des plumes de milan à son chapeau, qu’il remplace par une calotte très bourgeoise ; et tandis que sa vieille servante vide les carnassières, lourdes de perdreaux (car notre chasseur réussit les « doublés » très bien), il s’installe devant du papier, écrit les vers qu’il rapporte de mémoire… et retourne à son commerce.

« Dans cette vaste pièce, au plafond traversé d’énormes poutres d’une vieille maison où, dans les angles, luisent des yeux de rapaces empaillés, devant une truie rose et des perdreaux dorés, arrosés d’une poque de franc limagne, j’ai entendu Vermenouze dire ses vers, et j’étais ravi ; une autre fois à Vic-sur-Cère, à l’hôtel du Pont, dans une salle dont les fenètres s’ouvraient sur la montagne, sur un soir ardent d’été… et je fus ému : plus tard, à l’occasion d’une fête, sur les marches du palais de justice d’Aurillac, devant la foule enthousiaste, et je fus enthousiasmé… » (Veillées d’Auvergne.)

  1. Gabriel Noël, Un Poète auvergnat.