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LES POÈTES DU TERROIR

Filent, tout en gardant leurs troupeaux de brebis,
Un lin flave et soyeux comme une chevelure.

Midi sonne : à travers bandes, bois et palus,
Les cloches de Saint-Paul, d’Ytrac et de Crandelle
Chantent toutes ensemble ; et c’est à tire-d’aile
Que monte vers le ciel un essaim d’Angélus.

Et pour mieux exalter Notre-Dame la Vierge,
Ayant pris comme assise un très haut pic. Nieudan
Darde, là-bas, en plein azur, vers l’occident.
Son clocher cylindrique et tout blanc comme un cierge.

Au loin, une buée aux contours sinueux
Marque la gorge à pic, rocailleuse et bourrue,
Par où, tel un galop de dragons monstrueux,
La Cère, hennissante et baveuse, se rue.

Plus loin, ce sont des bois au feuillage jauni,
Puis d’âpres coteaux ; puis, à plus de trente lieues,
Noyés dans une mer de brames toutes bleues,
La Corrèze, le Lot, l’Aveyron, l’infini…

Et les rudes bouviers, contents, heureux de vivre,
Songent obscurément, en face du Cantal,
Devant ce décor d’ambre et de pourpre et de cuivre,
Que nul pays ne vaut leur paradis natal.

(Mon Auvergne.)