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LES POÈTES DU TERROIR

alla s’établir à Saint-Savin, dans la vallée d’Argelès, au pays de sa mère, où l’on montre encore son château de Miramont. C’est là vraisemblablement qu’il composa ses airs les plus célèbres, ceux du moins qui l’ont immortalisé ; mais, fidèle à sa petite patrie, il conserva à toutes ses productions l’empreinte du sol natal. Ses frères étant musiciens, il se faisait accompagner d’eux pour chanter ses romances béarnaises, La haüt sus las mountagne, Dé La plus charmante anesquette, et cette chanson si originale Dé cap à tu soy, Mariou, que Louis XV ne cessait de demander au fameux Jeliotte.

La légende locale rapporte que le dimanche, soit à Accous, soit à Saint-Savin, il se plaisait à réunir dans la maison de ses ancêtres les jeunes gens du village, garçons et filles, et les invitait à l’ouïr, ou bien à danser gaiement jusqu’à ce que la cloche de vêpres sonnât. C’étaient alors des mœurs patriarcales, simples et naïves, qui se sont perdues, mais dont le souvenir survit encore… Cyprien Despourrins mourut à Argelès en 1749. En 1840 une souscription fut ouverte par le Mémorial des Pyrénées, afin de glorifier par la pierre la mémoire du chantre béarnais. Un simple monument, sorte de petit obélisque, s’élève aujourd’hui au lieu qui le vit naître. Il porte l’inscription suivante : « C’est au pied de ce site enchanteur que le poète populaire, inspiré par la belle nature qui l’entourait, a composé ses poésies les plus gracieuses. » Et au-dessous : « Au poète d’Espourrins[1], 1698-1749. » Deux autres inscriptions ont été gravées sur le marbre, où figure le portrait de Despourrins.

« Empreintes d’un singulier et gracieux mélange de l’inspiration classique et du sentiment champêtre, a-t-on écrit[2], les chansons de Despourrins ont l’accent des idylles grecques et des églogues virgiliennes. Douces et tendres, parfois graves et tristes, leur mélodie, naïve et bizarre, respire la fraîcheur et la paix des montagnes, le calme des vallées. Elles ont un charme mélancolique qui les distingue de toutes les autres poésies champêtres. Presque toujours elles parlent de la vie, des bergers, soit qu’elles dépeignent leur bonheur sans ambition, soit qu’elles redisent la plainte de quelque amour malheureux. Elles parlent au cœur du Béarnais et du Bigourdan, respectant leurs idées religieuses et traduisant leurs intimes pensées en notes touchantes, d’une expression caractéristique, toute différente de la romance française. »

Les poésies de Despourrins ont été imprimées au xixe siècle par les soins de Vignancour. On les trouve dans les recueils suivants : Estrées bearneses (Etrennes béarnaises), Pau, imprim. Vignancour, 1820, in-12 ; Poésies béarnaises, ibid., 1827, in-8o ;

  1. Sur les registres d’état civil ce nom est ainsi écrit : Despourrins.
  2. Charles Simond, Chansons du Béarn, introd.