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BÉARN

de ses montons vers les montagnes, les labours d’hiver, la semence et la fenaison. L’œuvre de Jammes est odorante des forts et rustiques parfums d’étables chaudes, des forêts mouillées, des vergers mûris ; elle s’étend avec la blonde harmonie des blés, la chaude coloration des vignes ; elle a le bruissement des bois giboyeux, la chantante beauté des sources, la limpidité des cimes à l’horizon. Toute son inspiration est dans son cher pays ; c’est dans sa maison d’Orthez, dans la vieille et douce demeure ruinée de son ami de Bordeu[1], à Abos, parmi les fruits, les moissons, prés de l’âtre de la vieille chambre à tapisseries dans les matins d’été, dans les soirées d’hiver, au chant du rossignol ou celui des grillons, que ses plus beaux poèmes ont trouvé naissance. Sa vie campagnarde, — qui, cependant, cacha de grandes douleurs intimes, — elle va, d’une saison à l’autre, avec monotonie, suivaut le rythme égal du calendrier. Les vieux almanachs bleus que les colporteurs vendent dans les villages et qui donnent, à côte des fêtes des saints, la date des marchés et le tableau des cultures, suffisent à guider dans son pur développement une vie grave et belle, inclinée vers toutes les beautés de la terre[2]. » — « Voici un poète bucolique, — a écrit M. Remy de Gourmont. — Il y a Virgile, et peut-être Racan et un peu Sograis. Nulle sorte de poète n’est plus rare[3]

On doit à M. Francis Jammes quelques romans, des notations en prose. Ce sont : Clara d’Ellébeuse ou l’histoire d’une ancienne Jeune fille (Paris, Société du Mercure de France, 1899, petit in-18) ; Almaïde d’Etremont, etc. (ibid., 1901, petit in-18) ; Pomme d’Anis (ibid., 1904, petit in-18 ; Le Roman du Lièvre (ibid., 1903, in-18) ; Pensée des jardins (ibid., 1906, petit in-18), etc.

Bibliographie.. — Ad. van Bever et P. Léautaud, Poètes d’aujourd’hui ; nouvelle édit., Paris, Société du Mercure de France, 1907, t. Ier. — Ed. Pilon, Francis Jammes : Mercure de France, 1er juillet 1907.



  1. Dans Jean Pec, Le Chevalier d’Ostabat, M. Charles de Bordeu, l’auteur de La Marie bleue, du Destin d’aimer, de L’Inquiétude antique, a célébré d’un style agreste et délicat les « vins ambrés de Béarn, le Gave et les monts, les vieux villages, les fermes sentant bon le lait et la méture ». Ses livres, à l’égal de ceux de Francis Jammes, son ami, traduisent l’expression fidèle du terroir.
  2. Ed. Pilon, ibid.
  3. Le IIe Livre des Masques, 1898.