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LES POÈTES DU TERROIR
JEAN DE NOARRIEU
fragments


Et, au printemps, qui fut aussi pluvieux,
les Pyrénées laissèrent dans les cieux
couler la neige. Alors, leurs veines bleues
parurent, les rendant plus lumineuses
que du verre. Et, au flanc des neiges creuses,
les sapins firent des plaques ombreuses.

Le Gave vert, couleur de vieille vitre,
s’enfla, jaunit, inonda la saligue
où les roseaux et les sabres d’iris
croissent auprès d’enchevêtrés taillis.
La fleur d’osier sema la poudre fine
de son chaton en forme de chenille.

L’herbe devint crue. Et la primevère
sur les talus poussa à ras de terre.
Le caltha d’or luisant, la pulmonaire,
dont le feuillage semble taché de craie,
la cardamine et l’ellébore vert
et la pervenche ornèrent les fossés.

On vit passer quelques vols de palombes,
rapidement. Les soirs furent plus longs.
Les doux enfants qui portent leurs leçons
musèrent au seuil sombre des maisons.
On entendit la rainette aux yeux blonds
coasser, aigre, creuse et rauque, aux buissons.

Sous les feuilles les musaraignes grincèrent.
Et les chansons des merles pleins roulèrent.
Les roitelets aux vols brefs sautillèrent.
Les piverts au vol courbe se dressèrent,
cognant du bec et griffant de leurs serres
L’écorce où ils criaient rouges et verts.

Et Pâques fleuries vint. Alléluia !
Oh ! Douce fête ! L’harmonium gronda
au ventre des églises. Alléluia !
Le vert des prairies luisantes se dora.