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LES POÈTES DU TERROIR

et massif de Bourbonnais, Auvergne et Marche, par ses possessions excentriques, le Beaujolais, le Forez, les Bombes, tenait trois anneaux pour enserrer Lyon, les rudes montagnes d’Ardèche ; Gien pour dominer la Loire, puis, tout au nord, Clermont-en-Beauvoisis. On comprendrait à peine un damier de pièces si hétérogènes si l’on ne savait qu’elles venaient en partie de confiscations faites par Louis XI… » Plus tard, après la mort du connétable « traître à son roi, traître à ses alliés », le Bourbonnais appartint à la couronne. Cette fin lui fut légère. Son indépendance lui pesait. Depuis ce jour, la province est restée soumise à tous les régimes qui se sont succédé sur notre sol. Elle n’a point encore connu le réveil de la race.

Ici, symbole de monotonie, d’uniformité, la plaine domine : la plaine légèrement accidentée au sud-ouest, vers la Combraille, traversée par le Cher et par l’Allier qu’alimente la Sioule.

À diverses reprises on a tenté d’établir un tableau des ressources littéraires du Bourbonnais et de dresser une liste des écrivains qui, originaires de cette région, ont conquis la notoriété[1]. Rendons grâce au talent, à l’érudition dépensés en une telle tâche, mais gardons-nous de croire que la province fût riche en poètes du cru. Quelques rares noms, puis une cohue de rimailleurs sans autorité, et c’est tout. Peut-être admettrait-on que chaque siècle eut sur ce sol son représentant lyrique, si les xviie et xviiie ne se dérobaient à notre curiosité. En vain objectera-t-on que le Bourbonnais s’enorgueillit justement de Pierre de Nesson, de Henri Baude, disciple de Villon, de Jean de Lingendes[2], écrivain délicat et harmonieux, et, récemment de Théodore de Banville ; ni Pierre de Nesson, ni Henri Baude, ni Jean de Lingendes, ni Banville ne sont, à proprement parler, des

  1. Voyez à ce sujet les travaux d’Ernest Bouchard (Poètes bourbonnais du quatorzième au dix-septième siècle) et de M. Roger de Quirielle (Bio-bibliographie des écrivains anciens du Bourbonnais). Ces deux auteurs oui relevé les noms d’une foule de rimeurs dont se peut glorifier cette province. On les consultera utilement.
  2. Né à Moulins en 1580, mort en 1616, il a laissé ce charmant poème : Les Changement de la Bergère Iris (Paris, Toussaint du Bray, 1606, in-12), maintes fois réimprimé. Le recueil Le Séjour des Muses ou la Cresme des bons vers, de 1620, lui donne cette jolie chanson :

    Philis, auprès de cet ormeau
    Ou paissoit son petit troupeau,
    Estant toute triste et pensive,
    De son doigt escrivoit un jour,
    Sur le sablon de cette rive :
    Alcidon est mon seul amour.
     
    Je ne devois pas m’assurer
    De voir sa promesse durer :
    Parce qu’en chose plus légère,
    Et plus ressemblante à sa foi,
    L’ingrate et parjure bergère ;
    Ne pouvoit se promettre a moi.

    Um petit vent qui s’eslevoit
    En même instant qu’elle escrivoit
    Cette preuve si peu durable,
    Effaça, sans plus de longueur,
    Sa promesse dessus le sable,
    Et son amour dedans son cœur.