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LES POÈTES DU TERROIR

humeur et la vivacité tout épicurienne de ses propos. Il y a plusieurs époques comme il y a plusieurs formes littéraires en Bourgogne. Sans remonter au moyen âge, on observera qu’avant le xviie siècle la production bourguignonne fut essentiellement classique et ne cessa d’apporter sa contribution à l’esprit national. Avec le xviie siècle son génie se dédouble. Deux courants s’établissent, l’un purement traditionnel et d’expression française, l’autre local et populaire. La Bourgogne prit une part active au mouvement de la Renaissance. Non seulement elle se distingua avec Pontus de Tyard, l’une des sept étoiles de la Pléiade, mais elle autorisa toutes les audaces des rimeurs attachés à son sol. Relever les noms des poètes dont elle s’enorgueillit, c’est tracer un tableau de la littérature du siècle des Valois, encore si mal connue. Aussi bien la Saône qui la traverse en grande partie lui tient-elle lieu de « fleuve de Loyre ». Une civilisation s’épanouit sur ses bords. Cette rivière de Saône, capricieuse, flexible, riche d’affluents où se reflètent tant de paysages divers, va mêler ses eaux, non loin de Lyon, à celles du Rhône. On peut dire qu’elle aboutit à cette voie où l’éloquence et le lyrisme remontent d’Italie. Si nous ne craignions d’abuser de raisons sentimentales, dans un domaine qui en exige si peu, nous écririons volontiers qu’ici le site crée l’école. Il suffit de se représenter Pontus de Tyard, réunissant dans ses châteaux du Maçonnais la fleur du bel esprit, pour se faire une idée exacte de l’activité bourguignonne en plein xvie siècle.

« Longtemps avant qu’Antoine de Baïf, avec les libéralités et la protection de Charles IX et de Henri III, eût fondé, dans son habitation du faubourg Saint-Marcel, une Académie française et musicale, écrit Abel Jeandet, Pontus de Tyard tenait de véritables réunions artistiques et scientifiques dans son château de Bissy. Parmi les habitués de cette société d’élite, où la gravité des plus hautes études était tempérée par la culture des arts d’agrément, on remarquait le savant poète lyonnais Maurice Scève ; son cousin Guillaume des Autels, « Charolais » ; le poète Salomon Clerguet, de Chalon, son collègue aux états de Blois ; Philippe Robert, qui y lisait des fragments de sa traduction d’Isée et de Démosthène, Étienne Tabourot, le joyeux seigneur des Accords, « entier et bon à tous », qui égayait la vèprée par ses fines épigrammes ou quelques gaillardises de ses Bigarrures et de ses Escraignes dijonnoises[1]

Au temps des débuts de Pontus, les poètes latins dominaient en Bourgogne ; les poètes français n’y apparaissent pas moins nombreux. Tout d’abord, les aînés : Almaque Papillon, ami de Marot, et le pauvre Bonaventure des Périers. Leur nombre s’ac-

  1. Pontus de Tyard.