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LES POÈTES DU TERROIR

mais peut-on dire qu’ils se montrèrent les dignes descendants des ancêtres, ceux qui en Bourgogne tentèrent la fortune des lettres à l’époque bienheureuse du romantisme ? Parmi ces élégiaques, il en est un pourtant qui domine toute la poésie française, et de celui-là seul la Bourgogne est justement fière. Alphonse de Lamartine est né à Mâcon, le 21 octobre 1790. Il a chanté son berceau dans des vers inoubliables ; il a immortalisé le pays natal. Son exemple a été suivi ; mais, bien que touchante, la voix de ses imitateurs est grêle à côté de ses accents superbes et de son puissant lyrisme. Toute la littérature provinciale découle de cette source. Quoique les ans aient passé et que les écoles aient succédé aux écoles, la poésie dite de terroir ne s’est guère renouvelée. Ah ! qui nous rendra la sève des vieux auteurs !… Mais à quoi bon se montrer sévère à légard de médiocres rimeurs dont l’accent de sincérité a jadis été entendu ? Chaque génération suffit à sa propre gloire. Citons plutôt quelques noms parmi ces humbles. Tout d’abord, celui d’une lingère, Antoinette Quarré, laquelle eut son heure de notoriété. La mort prématurée de cette muse « départementale », plus encore que son mince bagage, publié à Dijon en 1843, émeuvent toujours les âmes sensibles. Viennent ensuite Louis Goujon et Joseph Boulmier, auteurs tous deux de quelques recueils ; Hippolyte Buflenoir, poète, romancier et historien ; Simon Gauthey, imprégné du parfum du sol et qui chanta les pampres. Est-ce tout ? Non, la Bresse se réclame à nos soins. Cette petite terre n’est point à dédaigner dans l’opulente Bourgogne. C’est un plantureux pays. Le Bressan placide, enclin à la paresse et à la volupté, s’écrie M. Albert Grimaud, est probe et d’humeur tolérante. Il parle un patois appartenant, comme le lyonnais et le savoisien, au groupe français-provençal. Son idiome très curieux est lourd et accentué : les désinences en o et en a dominent. C’est le langage du peuple. La Bresse a eu ses poètes d’expression française et ses folkloristes[1]. On ne saurait l’oublier, car elle se recommande du plus séduisant évocateur du sol que la province entière ait jamais produit : Gabriel Vicaire. Ce spirituel écrivain, nul ne l’ignore, a dressé un monument

  1. On connaît, au moins de réputation, ce singulier poème : Les Lamentations d’un pauvre laboureur de Bresse (Lo quemen don povro labory de Bressy, etc., de Bernardin Uchard (éd. s. I. n. d., 1615, in-12). Il en a été fait récemment une réimpression, par les soins de M. Ed. Philippon (Paris, Welter, 1891, in-8o). Bernardin Uchard, sieur de Monspay, était homme de loi et habitait Pont-de-Veyle. Il fut envoyé comme député du tiers aux états généraux de 1615. Avant de quitter sa province, il composa, en langue du pays, ce petit poème où il conjure le roi Louis [XIII] d’épargner au pauvre laboureur les horreurs de la guerre et les excès des soudards. L’ouvrage eut belle réputation. Naudé le cite avec éloge.