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BOURGOGNE

Cette page nous donne comme la vibration d’un mouvement littéraire localisé. Tel était l’engouement d’une société choisie pour les spectacles et les propos populaires, que la Monnoye y prit cet amour du bel esprit qui lui valut une honnète aisance et la notoriété.

Tandis que les Dumay, les Bouhier, les Legouz, les Petit, les Joly, les Tassinot, les Aimé Piron et quelques autres dont la Bourgogne s’est souvenue complaisamment, conservaient leurs professions et ne changeaient rien à leur façon de vivre, Bernard de la Monnoie vendait sa petite charge de la Chambre des comptes pour se livrer au métier d’écrivain. Bien lui en prit, car il mit à la mode ces Noëls malicieux en lesquels sa verve excellait.

C’était l’âge d’or de la poésie locale. La Bourgogne ne connut plus par la suite une telle bonne fortune.

Après la Monnoye et Aimé Pirou, le lyrisme s’affaiblit et menace de disparaître. Le xviiie siècle bourguignon, chose singulière, n’a que faire de chansous rustiques et de couplets grivois. En ce siècle prosaïque, où la province tend à reculer ses limites factices, ou à les supprimer, Alexis Pirou est un écrivain exceptionnel. Son œuvre ne doit presque rien, semble-t-il, au milieu, et, si elle évoque la race, c’est pour s’en railler agréablement. Il ne se souvient de ses compatriotes que pour les larder de brocards. On connaît son Voyage de Beaune. Rien n’est plus plaisant que ses railleries à l’adresse des Beaunois. De tout temps, dira-t-on, les provinciaux se sont plu, de ville à ville, à se couvrir de ridicule ; jamais, sans doute, ils n’ont, en le faisant, dépensé tant de verve. Avec Alexis Piron s’éteint l’ancienne littérature bourguignonne. C’est en vain qu’on citera ici les noms de Senecé, de Cocquard, de Bret, de Bounard, de Joseph Galleton et de Cazotte. Senecé est un homme du xviie siècle[1], et Cocquard doit si peu à ses origines ! Quant à Bret, auteur puéril de Fables orientales, à Bonnard et à Cazotte, nous n’en saurons rien dire, sinon qu’ils ne furent guère plus bourguignon que poètes. Reste Joseph Galletou, dont la destinée fut tragique car il mourut sur léchafaud révolutionnaire le 6 mai 1794. Peut-être lui eussions-nous accordé une place s’il eût fait preuve de quelque originalité. C’est le dernier représentant du genre populaire, en un siècle dont l’aube fut souriante et le crépuscule sanglant.

Le xixe siècle, à son tour, aura fourni son tribut de poètes ;

  1. Il était le contemporain du Marquis de Mimeure, écrivain dijonnais dont on cite quelques vers heureux. Senecé a trop peu célébré sa province pour prendre place ici. Ses œuvres ont fait l’objet d’une édition définitive publiée en 1855 par MM. Émile Chasles et P. A. Cap (Paris, Jannet, 2 vol. in-12).