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LES POÈTES DU TERROIR

En ce point suis il y a treize moys
Que fortune en cest estat me tient.
A dieu vous dy, se mourir me convient.

Et vous aussi, haulte puissant princesse,
A qui Dieu doint honneur, santé et joye,
Depuis le temps que estes ma maistresse
De vous veoir grant voulenté avoye
Mais fortune si sest mise en voye
Qui dy aller durement me retient.
A dieu vous dy, se mourir me convient.

A dieu vous dy, chevaliers, escuyers,
A dieu la court et trestoute noblesse ;
Servy vous ay en mon temps voulentiers,
Bien voy qu’il faut qu’à ce coup je vous laisse.
A dieu joy et trestoute lyesse,
Mon cueur se part et ne sçay qu’il devient.
A dieu vous dy, se mourir me convient :

A dieu vous dy, dames et damoiselles,
A dieu vous dy, marchandes et bourgeoises,
Toutes vous ay trouvez bonnes et belles.
Doulces, plaisantes, gracieuses, courtoises.
Perdre me fault a ceste fois mes aises,
Car rudesse mes joyes si détient.
A dieu vous dy, se mourir me convient.

A dieu, a dieu, povre cité d’Aucerre,
De moy long temps avez été servie,
Et maintenant par fortune de guerre
En dangier suis que ne perde la vie,
Le fait danger qui a sur moy envie
Qui en douleur durement me maintient.
A dieu, vous dy, se mourir me convient.

A dieu, prelatz et toutes gens d’église,
Qui a Aucerre avez vos bénéfices,
Je vous supply que chascun si advise
Se en mon temps vous ay faiz nulz services.
Priez pour moy chascun en voz offices,
Mourir me fault se Dieu ne me soustient.
Adieu vous dy, se mourir me convient.