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LES POÈTES DU TERROIR

Tant de joyaux, tant de nouveautez belles,
Tant de presens, tant de beautez nouvelles,
Brief, tant de biens que nous voyons florir.
Un mesme jour les faict naistre et mourir !
Dont nous, humains, à vous, dame Nature,
Plaincte faisons de ce que si peu dure
Le port des fleurs, et que, de tous les dons
Que de voz mains longuement attendons
Pour en gouster la jouissance deue,
A peine, las, en avons nous la veue.

Des roses l’aage est d’autant de durée,
Comme d’un jour la longueur mesurée ;
Dont fault penser les heures de ce jour
Estre les ans de leur tant brief séjour,
Qu’elles sont jà de vieillesse coulées
Ains qu’elles soient de jeunesse accollées.

Celle qu’hyer le soleil regardoit
De si bon cueur que son cours retardoit
Pour la choisir parmy l’espaisse nue.
Du soleil mesme a esté mescongnue
A ce matin, quand plus n’a veu en elle
Sa grand’beauté qui sembloit éternelle.

Or, si ces fleurs, de grâces assouvyes,
Ne peuvent pas estre de longues vies
(Puisque le jour, qui au matin les painct,
Quand vient le soir leur oste leur beau tainct,
Et le midy, qui leur rit, leur ravit),
Ce neantmoins, chascune d’elles vit
Son aage entier. Vous donc, jeunes fillettes,
Cueillez bientost les roses vermeillettes,
A la rosée, ains que le temps les vienne
A desseicher ; et, tandis, vous souvienne
Que ceste vie, à la mort exposée.
Se passe ainsi que roses ou rosée.

(Œuvres, etc. ; 1544.)