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BOURGOGNE

Des Fleurs le tainct ou si elle donnoit
Le sien aux Fleurs plus beau que nulles choses
Un mesme tainct avoient l’Aube et les Roses,
Une rosée, un mesme advenement,
Soubz d’un clair jour le mesme advancement,
Et ne servoient qu’une mesme Maistresse.
C’estoit Venus, la mignonne Déesse,
Qui ordonna que son aube et sa fleur
S’accoustreroient d’une mesme couleur.
Possible aussi que (comme elles tendoient
Un mesme lustre) ainsi elles rendoient
Un mesme flair de parfum précieux :
Quant à cestuy des roses, gracieux,
Que nous touchions, il estoit tout sensible ;
Mais celuy-là de l’aube, intelligible
Par l’air espars çà bas ne parvint point.

Les beaulx boutons estoient jà sur le poinct
D’eulx espanir, et leurs aisles estendre,
Entre lesquelz l’un estoit mince et tendre,
Encor tapy dessoubs sa cœffe verte :
L’autre monstroit sa creste descouverte,
Dont le fin bout un petit rougissoit ;
De ce bouton la prime Rose issoit.

Mais cestuy-cy demeslant gentement
Les menuz plis de son accoustrement,
Pour contempler sa charnure refaicte.
En moins de rien fut rose toute faicte :
Et desploya la divine denrée
De son pacquet, ou la graine dorée
De la semence estoit espaissement
Mise au milieu, pour l’embellissement
Du pourpre fin de la fleur estimée.
Dont la beauté, naguère tant aymée,
En un moment devint seiche et blesmye,
Et n’estoit plus la Rose que Demye.

Veu tel meschef me complaignis de l’aage.
Qui me sembla trop soudain et volage.
Et dis ainsi : « Las, à peine sont nées
Ces belles fleurs, qu’elles sont jà fannées…