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LES POÈTES DU TERROIR

Et l’Automne effeuillé survient, fruictier, vineux,
Variable, inconstant, maladif, caterreux ;
De lu complexion d’homme mélancholique,
Qui a vin de Pourceau, et à dormir s’applique.
Il est de qualité froid et sec, et le vent
Du glacé Boreas il imite souvent.
Quant à son naturel, à la terre ressemble.
Et si est comparé à vieillesse qui tremble,
Et qui avare craint d’avoir nécessité
En ses plus caducs ans : de ce faire incité
Par l’Hérisson, lequel (diligent) lors s’addone
Pour le prochain Yver, ravir les fruicts d’Automne.
Aussi nostre Rustiq’ de beaucoup plus expert,
Recueille tous les fruicts de garde pour l’[h]yvert :
Et pour les conserver, fait des clayes suspendre
Avec un peu de paille, et dessus les estendre
En lieu où trop grand froid ne puisse pénétrer :
Car si gelez ils sont, ne peuvent profiter.
En ce temps le plaisir est lors que l’on vendange :
Car chacun au travail diligemment se range.
L’on quitte les maisons des villes, et les champs
S’entretiennent de chars, et mesnages marchans :
De sorte qu’on diroit que ce sont colonies
Cherchans autre demeure, avecques leurs mesgnies.
Icy un taboulant bastit un neuf tonneau :
Un autre moins sçavant racoustre un viel cuveau :
Cetuy my-part l’osier, l’autre lie le cercle ;
Cetuy-ci va rinçant l’entonnoir et la seille,
Abbreuve cuve et treul, où bien tost le raisin
Est porté vendangé, pour en tirer le vin ;
Lequel encor’ bouillant, d’ardeur, on emprisonne
Dedans un creux vaisseau, où il bruit, fume et tonne,
Jettant par un pertuis (seul demouré ouvert)
Une rage escumant, dont il estoit couvert ;
Et dès lors, appaisé, convertit sa cholera
En suave liqueur, douce, belle, et fort claire.
Il rit par le bondon, qui fait que l’approcher
Avec un chalumeau on vient, pour le baiser.
Mais qui s’y plaist par trop (ainsy qu’à folles filles)
En perd force, et les sens deviennent imbecilles.
L’un d’un coup de dezey, pour mirer sa couleur