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BOURGOGNE

Esclattant, en argent, distille sa liqueur.
Un autre, ayant par trop lutté contre sa force,
De rire, et de gaudir, ou de dormir s’efforce :
Ou bien en chancellant (et quasi demy-mort)
Menace en sa cholere un autre de la mort.
Ce-pendant, d’autres sont qui d’œuvrer point ne cessent :
Car comme vrais Formis, icy, puis là, s’exercent.
L’un jambes et pieds nuds trépignant, et saultant,
Escoule en un ruisseau l’escacbé raisin blanc :
Qu’est lors que femmes font leur joyeux commérage
Avec ce doux Nectar, des Aulx, et du Fromage :
En plongeant au dedans leur flamensse et gasteaux.
Lesquels (encor bouillans) enfument leurs cerveaux :
Et puis Dieu sçait comment on cause, et on besongne.
En faisant près du pot le conte à la Cigongne.
Les unes en fureur, lors on voit despiter,
Et une autre, en plourant, leur vient à raconter
De son mary jaloux l’effort et la finesse :
En fin, le lendemain de dormir on ne cesse.
Le maistre toutesfois visite ses ouvriers.
Qui, plus qu’en autre temps, sont alaigres et fiers.
Mais qui a jamais veu ceux attendans un siège,
Travailler jour et nuict, avant qu’on les assiège :
Tout d’une mcsme ardeur, la vendange durant.
On voit grans et petits le travail endurant.
Puis comme un camp espars, qui chercbe meilleur’ place,
Ayans tout recueilly, chacun du lieu desplace,
Et munis de tous biens, retreuvent leur hostel
Pour combattre la faim, leur ennemy mortel,
Et là, s’ils sont prudens, en amour asseurée
Vivront en louant Dieu, d’une paix bien-heurée.
En ce temps qui vouldra sa santé maintenir,
Se fault garder d’excès, et sur jour de dormir :
N’endurer faim, ny soif, ne manger cru fruictage.
Ni changer de façon, et vivre en son mesnage.

(La Colombièrc et Maison rustique ; 1583.)