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BOURGOGNE

Devers lui, j’enrage — De me tourner si tard. — J’ai tort sans doute ; — Toi seul eus toute — La mère goutte ; — Lui, pour sa part, — N’aura désormais rien que le marc.

« Quand je me souviens — De nos dits, de nos bourdes, — Quand je me souviens, — De notre désordre. — J’en ai tant de honte — Que je m’épouvante — D’en rendre compte… — Faut-il mourir — L’âme noire et les cheveux gris ?

« Durant tant d’années — Que tu m’as gouvernée, — Durant tant d’années, — Combien nous avons failles fous ! — En cachette, — Que de pinceries ! — Que de caresses ! — Ah ! c’en est trop… — Nous avons de quoi gémir notre saoul.

« Au pied de la Crèche, — Pleurons, lavons nos tâches, — Au pied de la Crèche, — Prions le saint Enfant. — Le cœur sans feinte, — Percé de pointes, — Les deux mains jointes, — Prions-le tant, — Que de noirs il nous rende blancs.

« J’ai quelques retailles — Qu’il faut que je lui donne. — Jai quelques retailles — Propres à l’emmailloter. —



Devé lu, j’anraige
De me tonai si tar,
J’ai ter sans dote ;
Toi seul u tôte
Lai meire gôte ;
Lu, po sai par,
N’airé mazeù tan que le mar.

 « Quant i me récode
Do no di, de no bode.
Quant i me récode
De note trigori,
J’an ai tan d’onte,
Que je m’éponte
D’an randre conte…
Fau-t-i meuri
L’ame noire et lé cheveu gri ?

 « Duran tan d’année,
Que tu m’é gouvanée,
Duran tan d’année
Combé j’ou fai le fô !
An caichenôte,
Que de pinçôte !
Que d’aimorôte !
Ha ! ç’an a trô !…
J’on de quoi gémi note sô.

 « Au pié dei lai Creiche,
Pleuron, laivon no teiche,
Au pié de lai Creiche,
Prion le saint Anfan,
Le cœur sans fointe.
Parcé de pointe.
Lé deu main jointe,
Prion-le tan.
Que de noir ai no rande blan.

 « J’ai quelque retaille,
Qu’ai fau que je li baille,
J’ai quoique retaille
Prôpre à l’ammaillôtai.