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BOURGOGNE

Sur le seuil désuni de trois marches de pierre
Le hasard a planté les racines d’un lierre
Qui, redoublant cent fois ses nœuds entrelacés,
Cache l’affront du temps sous ses bras élancés,
Et, recourbant en arc sa volute rustique,
Fait le seul ornement du champêtre portique.
Un jardin qui descend au revers d’un coteau,
Y présente au couchant son sable altéré d’eau ;
La pierre sans ciment, que l’hiver a noircie,
En borne tristement l’enceinte rétrécie ;
La terre, que la bêche ouvre à chaque saison,
Y montre à nu son sein sans ombre et sans gazon ;
Ni tapis émaillés, ni cintres de verdure,
Ni ruisseau sous des bois, ni fraîcheur, ni murmure ;
Seulement sept tilleuls par le soc oubliés,
Protégeant un peu d’herbe étendue à leurs pieds,
Y versent dans l’automne une ombre tiède et rare,
D’autant plus douce au front sous un ciel plus avare ;
Arbres dont le sommeil et des songes si beaux
Dans mon heureuse enfance habitaient les rameaux !
Dans le champêtre enclos qui soupire après l’onde,
Un puits dans le rocher cache son eau profonde,
Où le vieillard qui puise, après de longs efforts,
Dépose en gémissant son urne sur les bords ;
Une aire où le fléau sur l’argile étendue
Bat à coups cadencés la gerbe répandue,
Où la blanche colombe et l’humble passereau
Se disputent l’épi qu’oublia le râteau ;
Et sur la terre épars des instruments rustiques,
Des jougs rompus, des chars dormant sous les portiques,
Des essieux dont l’ornière a brisé les rayons,
Et des socs émoussés qu’ont usés les sillons.

Rien n’y console l’œil de sa prison stérile,
Ni les dômes dorés d’une superbe ville,
Ni le chemin poudreux, ni le fleuve lointain,
Ni les toits blanchissants aux clartés du matin :
Seulement, répandus de distance en distance,
De sauvages abris qu’habite l’indigence,
Le long d’étroits sentiers en désordre semés,
Montrent leur toit de chaume et leurs murs enfumes,