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BOURGOGNE

blement, sentinelle juchée aux avant-postes du village endormi !

Ah ! si le roi nous lisait dans son Louvre, — ô ma muse inabritée contre les orages de la vie, — le seigneur suzerain de tant de fiefs qu’il ignore le nombre de ses châteaux ne nous marchanderait pas une chaumine !


CHÈVREMORTE[1]


Et moi aussi j’ai été déchiré par les épines de ce désert, et j’y laisse chaque jour quelque partie de ma dépouille.
(Les Martyrs, livre X.)


Ce n’est point ici qu’on respire la mousse des chênes et les bourgeons du peuplier, ce n’est point ici que les brises et les eaux murmurent d’amour ensemble.

Aucun baume, le matin après la pluie, le soir aux heures de la rosée ; et rien pour charmer l’oreille que le cri du petit oiseau en quête d’un brin d’herbe.

Désert qui n’entend plus la voix de Jean-Baptiste ! Désert que n’habitent plus ni les ermites ni les colombes !

Ainsi mon âme est une solitude où, sur le bord de l’abîme, une main à la vie et l’autre à la mort, je pousse un sanglot désole.

Le poète est comme la giroflée qui s’attache, frêle et odorante, au granit, et demande moins de terre que de soleil.

Mais, hélas ! je n’ai plus de soleil, depuis que se sont fermés les yeux si charmants qui réchauffaient mon génie !

(Gaspard de la Nuit.)
  1. À une demi-lieue de Dijon.