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LES POÈTES DU TERROIR


LE TERNIN
À François Fabié.


Le Ternin chuchote et chantonne.
Je crois ouïr, plein de douceur,
Un chant de nourrice, berceur,
Sempiternel et monotone.

Monotone et délicieux :
Un de ces chants de vieille femme
Qui font, en dorlotant notre âme,
Monter des larmes dans nos yeux.
 
Cependant qu’attentif j’écoute,
Tout remué d’émoi profond,
Les minutes, sans hâte, vont,
Que filtre l’heure goutte à goutte.
 
Chuchoté, chevroté, mouillé,
Le lent refrain, repris sans trêve,
Est comme une chanson de rêve
Que l’on entendrait éveillé.

On dirait une voix d’aïeule,
Sous le vergne et sous le bouleau.
Dans ce coin de nature, l’eau
Semble bruire et chanter seule.

Au creux du val, sur le chemin,
Plus rien qui trouble le silence :
Pas un rameau ne se balance.
Le vent se tait, nul pas humain !

Rien, — tandis que je me recueille,
Gardé du souvenir dolent, —
Sinon, comme un baiser tremblant.
Une aile frôlant une feuille.

Et mon cœur, qui vient de souffrir,
Par un charme qui l’en délivre,
Oublie, en oubliant de vivre,
D’aimer l’amour et d’en mourir.

(Fleurs morvandelles.)